25
Les maîtres d’armes

 

— Impudente ! gronda le yochlol. (Le feu dans le brasero s’enfla et la créature se trouva de nouveau derrière Malice, disposa de nouveau ses tentacules sur la Mère Matrone.) Comment oses-tu m’invoquer encore ? (Malice et ses filles jetèrent des regards affolés autour d’elles. Elles savaient que cette fois la puissante créature ne jouait pas avec leurs nerfs : elle était vraiment furieuse !)

» Il est vrai que la Maison Do’Urden a su plaire aujourd’hui à la Reine Araignée, reprit le serviteur en réponse aux pensées muettes des femmes devant elle, mais cet acte à lui seul ne suffit pas à compenser le déplaisir que ta famille a récemment causé à Lolth ! Ne t’imagine pas que tout soit pardonné, Matrone Malice Do’Urden !

Une Matrone Malice qui se sentait minuscule et très vulnérable à cet instant. Son pouvoir ne pesait guère face à la rage d’un des serviteurs les plus proches de Lolth !

— Déplaisir ? osa-t-elle cependant murmurer. Comment ma famille a-t-elle pu causer du déplaisir à la Reine Araignée ? Qu’a-t-elle donc fait ?

Le rire du yochlol se manifesta en une éruption de flammes et d’araignées volant à travers toute la pièce, mais les hautes prêtresses ne flanchèrent pas ; elles acceptaient comme un châtiment mérité les brûlures et les créatures qui venaient ramper sur elles.

— Je te l’ai déjà dit, Matrone Malice Do’Urden, jeta avec mépris le serviteur de ses lèvres aux coins tombants, et je te le répète une dernière fois : la Reine Araignée ne répond pas aux questions dont tu connais déjà la réponse !

Puis, dans une décharge d’énergie explosive qui expédia les quatre femmes de la Maison Do’Urden par terre, le yochlol disparut.

Briza fut la première à récupérer. Elle se précipita prudemment sur le brasero, dont elle étouffa les quelques flammes restantes, ce qui ferma le portail qui donnait sur les Abysses, le plan d’existence du serviteur.

— QUI ? hurla Malice, retrouvant son rôle de puissante matriarche. Qui dans ma famille s’est attiré la fureur de Lolth ?

Et elle sembla de nouveau se tasser à mesure qu’elle prenait conscience de ce qu’impliquaient les révélations du serviteur. La Maison Do’Urden s’apprêtait à entrer en guerre contre une famille de premier plan ! Sans la faveur de Lolth, elle allait droit à une annihilation certaine.

— Nous devons découvrir le coupable ! assura Malice à ses filles, sûre de pouvoir les mettre hors de cause, et elle aussi.

Elles étaient toutes des hautes prêtresses. Si l’une d’elles avait commis un acte que la Reine Araignée désapprouvait, le yochlol invoqué aurait certainement saisi l’occasion de punir sur-le-champ la responsable. Il aurait pu à lui seul décapiter la Maison Do’Urden !

Briza s’empara du fouet-serpent à sa ceinture.

— J’obtiendrai l’information dont nous avons besoin ! promit-elle.

— Non ! l’arrêta Matrone Malice. Nous ne devons pas faire savoir que nous enquêtons. Qu’il s’agisse d’un simple soldat ou d’un membre de la famille, celui que nous cherchons est habitué à la douleur ; nous ne pouvons pas compter que la torture lui arrachera des aveux alors qu’il connaît fort bien le châtiment réservé à son acte ! Nous devons découvrir très vite la raison du déplaisir de Lolth et punir le criminel comme il convient. Il faut que la Reine Araignée continue à nous soutenir dans nos combats !

— Mais comment allons-nous pouvoir démasquer le coupable ? geignit la fille aînée en replaçant à contrecœur le fouet-serpent à sa ceinture.

— Vierna, Maya, laissez-nous, ordonna Malice. Ne parlez à personne de ces révélations et ne faites rien qui risquerait de dévoiler nos intentions. (Les deux cadettes s’inclinèrent et sortirent, peu satisfaites de leur rôle secondaire, mais impuissantes à y changer quoi que ce fût.)

» D’abord nous allons observer, annonça Malice à Briza. Nous allons essayer d’apprendre la vérité sans bouger d’ici !

— Le bol de scrutation ! comprit Briza.

Elle se rendit très vite dans la chapelle proprement dite et trouva, rangé près de l’autel central, l’objet précieux qu’elle cherchait, un grand bol doré incrusté de perles noires. Les mains tremblantes, Briza le plaça sur l’autel et ouvrit le plus sacré des nombreux compartiments que comptait le support en forme d’araignée. On y rangeait une possession très prisée de la Maison Do’Urden, un grand calice d’onyx.

Malice rejoignit alors Briza dans la chapelle et lui prit le calice des mains. Elle se dirigea vers l’immense bénitier qui se trouvait à l’entrée de la salle et trempa le récipient dans un fluide poisseux, l’eau maudite de leur religion ! Puis elle psalmodia :

— Spideræ aught icor ven.

Le rituel terminé, Malice revint à l’autel et versa l’eau dans le bol doré.

Briza et elle s’assirent et observèrent.

 

**

 

Drizzt posa le pied pour la première fois en dix ans sur le sol de la salle d’entraînement de Zaknafein et eut le sentiment d’être revenu chez lui. C’était là qu’il avait passé les meilleures années de sa jeune vie – presque entièrement ici ! Malgré toutes les déceptions qu’il avait connues depuis – et toutes celles que sans aucun doute il éprouverait pour le temps qu’il lui restait à vivre – Drizzt n’oublierait jamais cette brève étincelle d’innocence, cette joie qui était sienne à l’époque où il se formait sous l’autorité de Zaknafein !

Le maître d’armes entra à son tour et fit face à son ancien élève. Drizzt ne vit rien de familier ni d’encourageant sur le visage de son ancien mentor. Un rictus permanent avait pris la place du sourire qui lui était si familier autrefois, une expression coléreuse proclamant la haine de tout ce qui l’entourait, Drizzt en premier lieu peut-être ! Ou bien Zaknafein avait-il toujours arboré cette grimace ? Le jeune drow devait se poser la question : la nostalgie aurait-elle pu recouvrir d’un plaisant vernis mensonger toutes ces années d’entraînement ? Le maître qu’il se rappelait, qui lui avait si souvent réchauffé le cœur d’un petit rire insouciant, avait-il en fait toujours été le monstre froid, à l’affût, que les yeux de Drizzt voyaient à présent ?

— Qu’est-ce qui a changé, Zaknafein ? demanda finalement Drizzt. Vous, mes souvenirs, ma perception ?

Le maître d’armes ne parut même pas entendre la question chuchotée.

— Ah, le héros est revenu, s’exclama-t-il, le guerrier dont les faits d’armes étonnent à un si jeune âge !

— Pourquoi vous moquez-vous ainsi de moi ? protesta Drizzt.

— Celui qui a tué les porte-crocs ! poursuivit Zak.

Il avait les épées en main maintenant, et Drizzt réagit en dégainant ses cimeterres. Inutile de demander les règles du combat cette fois-ci, ou de s’inquiéter du choix des armes !

Drizzt avait su avant de pénétrer dans la salle qu’il n’y aurait pas de règle, et que les armes seraient leurs armes de prédilection, celles qui leur avaient permis de vaincre tant d’ennemis.

— Celui qui a tué l’élémental de terre ! ricana méchamment le maître d’armes.

Il se fendit et porta un simple coup d’estoc. Drizzt l’écarta sans même y penser.

Des lueurs subites s’allumèrent dans les yeux de Zak, comme si ce premier contact avait tranché d’un coup les liens émotionnels qui avaient jusque-là retenu sa main.

— Celui qui a tué la petite elfe de la surface ! hurla-t-il alors sur un ton franchement accusateur. (Puis vint la seconde attaque, retorse, puissante, un arc de cercle mortel descendant vers le crâne de Drizzt.) Qui l’a tailladée pour apaiser sa soif de sang !

Ces paroles de Zak bouleversèrent Drizzt, tempêtèrent dans son cœur, le fouaillèrent comme un fouet mental vicieux. Mais le jeune drow n’en restait pas moins un combattant aguerri. Ses réflexes ne pâtirent pas du tourbillon d’émotions qui le submergeait : un cimeterre vint à la rencontre de l’épée et la dévia sans dommage sur le côté.

— Assassin ! cria Zak d’un ton ouvertement méprisant. As-tu joui des hurlements d’agonie de cette enfant ?

Il se rua sur Drizzt en une trombe furieuse ; ses épées plongeaient, fendaient l’air, essayaient tous les angles d’attaque.

Drizzt, furieux des accusations de son hypocrite adversaire, était à la hauteur de cette frénésie ! Il se mit à hurler simplement pour entendre la rage dans sa propre voix.

Un spectateur de ce combat aurait eu du mal à trouver son souffle au cours des moments qui suivirent, où les lames semblaient un brouillard mortel. L’Outreterre n’avait jamais connu si vicieux combat que celui de ces deux maîtres escrimeurs qui attaquaient chacun le démon possédant l’autre – et le sien propre !

En s’entrechoquant, les lames d’adamantium projetaient des étincelles et s’ébréchaient, des gouttelettes de sang éclaboussaient les adversaires. Pourtant, aucun des deux ne ressentait la moindre douleur, et aucun ne savait même s’il avait blessé l’autre.

Drizzt effectua avec ses deux lames un mouvement de balayage qui contraignit Zak à écarter largement ses deux épées. Celui-ci eut le réflexe immédiat d’accompagner l’action : il fit une volte et frappa les cimeterres de Drizzt, qui fonçaient sur lui. La force du choc fut telle qu’elle fit tomber le jeune drow. Drizzt se réceptionna par une roulade et se releva pour affronter son adversaire qui chargeait !

Il eut alors une idée.

Il se plaça en défense haute, bien trop haute, et Zak le fit reculer. Drizzt savait à quoi ils allaient en venir, il faisait ce qu’il fallait pour cela. Zak utilisa plusieurs manœuvres de suite pour garder les armes de Drizzt en position haute. Il entreprit alors le mouvement qui avait acculé son élève à la défaite dans le passé : la double estocade basse, car il pensait que son adversaire ne parviendrait au mieux qu’à revenir à égalité sans reprendre l’avantage.

Drizzt exécuta le croisé bas comme il avait appris, et Zak se tint prêt ; il se doutait que le jeune drow plein de fougue allait encore essayer d’améliorer la manœuvre.

— Tueur d’enfant ! gronda-t-il pour l’exaspérer davantage.

Il ne savait pas que Drizzt avait trouvé une véritable parade.

L’ancien élève de Zak concentra toute la colère qu’il avait jamais ressentie, toutes les déceptions de sa jeune vie, chargea de cette hargne son pied et visa Zak, son visage méprisant qui cachait sous des sourires feints sa monstrueuse soif de sang !

Il frappa entre les deux lames en plein sur le nez du maître d’armes, et mit dans cet unique coup de pied toute la fureur qui bouillonnait en lui.

Les cartilages de Zak en furent broyés ! Ses yeux roulèrent dans leurs orbites et le sang jaillit sur ses joues creuses. Il comprit qu’il tombait, que le jeune guerrier allait être sur lui en un éclair sans lui laisser la moindre chance de reprendre l’avantage. La voix méprisante de Drizzt lui parvint, lointaine, comme s’il l’entendait en tombant dans un puits profond.

— Et toi, Zaknafein Do’Urden ? disait-il. J’ai entendu parler des exploits du maître d’armes de la Maison Do’Urden, à quel point il aimait tuer ! (La voix se rapprochait maintenant, parce que Drizzt venait près de Zak, que sa propre rage, de son côté, motivait pour revenir dans le combat.) Je sais à quel point le meurtre est facile à Zaknafein, cracha Drizzt d’un ton railleur, le meurtre de prêtresses, d’autres drows ! Tu en jouis vraiment tant que ça ?

Il ponctua cette dernière question d’un coup de chacun de ses cimeterres, des coups destinés à tuer Zak, à tuer le démon qu’ils abritaient tous les deux !

Mais le maître d’armes avait pleinement repris ses sens et sa haine pour Drizzt égalait celle qu’il éprouvait pour lui-même. Ses épées s’élevèrent au dernier moment, lames croisées, aussi rapides que l’éclair, et firent s’écarter subitement les bras de Drizzt. Le maître d’armes, à son tour, accompagna le mouvement d’un coup de pied, peut-être pas aussi puissant que celui de son ancien élève, car Zak était encore allongé sur le dos, mais qui eut le mérite de frapper le jeune drow en plein dans l’entrejambe !

Drizzt eut un hoquet de douleur et s’éloigna d’un bond ; il se contraignit à recouvrer rapidement ses esprits et vit Zaknafein, encore étourdi, qui se relevait.

— En jouissez-vous vraiment tant que ça ? parvint-il à articuler.

— En jouir ? répéta le maître d’armes.

— Cela vous donne-t-il du plaisir ?

— De la satisfaction ! rectifia Zak. Oui, c’est vrai, je tue.

— Et vous apprenez aux autres à tuer !

— À tuer des drows ! rugit Zak, et tout à coup il revint face à Drizzt, les armes brandies, dans l’attente du prochain mouvement de son adversaire. (Mais les paroles du maître d’armes avaient replongé Drizzt dans la plus complète confusion. Qui, à la fin, était cet être devant lui ?) Imagines-tu que ta mère me laisserait en vie si je ne la servais pas dans ses plans pervers ? (Drizzt ne comprenait pas.) Elle me hait ! expliqua le maître d’armes qui reprenait le contrôle de ses émotions face à l’évidente perplexité de Drizzt. Elle me méprise même. (Drizzt pencha la tête sur le côté, l’air interrogateur.) Es-tu donc si aveugle au mal qui nous environne ? vociféra Zak tout près de son visage. Ou bien t’a-t-il déjà consumé comme il l’a fait de tous les autres, dans cette frénésie de meurtres que nous appelons « notre vie » ?

— Cette frénésie qui vous possède ? rétorqua Drizzt d’une voix qui avait déjà beaucoup perdu de sa conviction.

S’il avait bien compris les paroles de Zaknafein – si le maître d’armes ne se pliait à ce jeu meurtrier qu’à cause de sa haine générale pour la perversité drow –, Drizzt ne pouvait finalement lui reprocher que sa lâcheté !

— Aucune frénésie ne me possède. Je vis du mieux que je peux, je survis dans un monde qui n’est pas le mien, qui ne répond pas aux désirs de mon cœur ! (La douleur qu’on percevait dans ces paroles, la tête baissée de Zak au moment où il admettait son impuissance, firent vibrer une corde familière dans l’âme de Drizzt.) Je tue, oui, je tue des drows pour servir Matrone Malice et pour apaiser la rage, la frustration qui bouillonnent en moi ! Mais quand j’entends hurler les enfants…

Il leva brusquement les yeux sur Drizzt et il se rua de nouveau comme un fou sur lui, sa rage décuplée.

Le jeune drow essaya de relever ses cimeterres, mais Zak en fit voler un à travers la pièce et dévia l’autre sur le côté. Il harcela Drizzt qui recula gauchement devant la fureur de Zak jusqu’à se retrouver acculé contre un mur. La pointe de son épée tira une goutte de sang de la gorge exposée de son ancien élève.

— L’enfant elfe est vivante ! déclara Drizzt dans un souffle. Je jure que je ne l’ai pas tuée !

Zak se détendit imperceptiblement, sans pour autant retirer son épée.

— Dinin a dit que…

— Il s’est trompé ! C’est moi qui l’ai trompé : j’ai jeté l’enfant à terre – uniquement pour l’épargner – et l’ai recouverte du sang de sa mère assassinée, pour dissimuler ma lâcheté !

Le maître d’armes, abasourdi, fit un bond en arrière.

— Je n’ai tué aucun elfe cette nuit-là, avoua Drizzt. Les seuls que je voulais abattre étaient mes propres compagnons !

 

**

 

— Maintenant nous savons, déclara Briza. (Elle avait les yeux rivés sur le bol de scrutation où s’achevait le combat entre Drizzt et Zaknafein, combat dont elles n’avaient pas perdu une miette.) C’est Drizzt qui s’est attiré la colère de la Reine Araignée !

— Tu le soupçonnais depuis le début, tout comme moi, répondit Matrone Malice, même si nous espérions qu’il en serait autrement.

— Il paraissait si prometteur ! se lamenta Briza. Comme j’aurais voulu qu’il apprenne où était sa place, quelles valeurs il devait suivre. Peut-être…

— Voudrais-tu l’épargner, par hasard ? Allons-nous manifester une pitié qui ne ferait qu’accroître le déplaisir de la Reine Araignée ?

— Non, Matrone, admit Briza. Mais j’avais espéré que nous pourrions utiliser Drizzt à l’avenir, comme vous avez si longtemps pu utiliser Zaknafein. Le maître d’armes se fait vieux…

— Nous sommes au bord de la guerre, ma fille ! lui rappela Malice. Il nous faut apaiser Lolth. Ton frère a appelé le châtiment sur lui par les actions qu’il a choisi de commettre.

— Un choix bien funeste ! soupira Briza.

 

**

 

Ces dernières paroles frappèrent Zaknafein avec bien plus de force que la botte de Drizzt. Le maître d’armes jeta ses épées à l’autre bout de la salle et se précipita sur son ancien élève. Il le serra dans ses bras avec une telle vigueur et une telle soudaineté que le jeune drow mit du temps à comprendre ce qu’il se passait.

— Tu as survécu ! s’écria Zak, la voix brisée par ses sanglots étouffés. Tu as survécu à l’Académie qui avait tué tous les autres !

Drizzt répondit à l’étreinte, hésitant, sans se rendre encore pleinement compte de la joie absolue qu’éprouvait Zak.

— Oh, mon fils !

Le jeune drow faillit s’évanouir, submergé par cet aveu de ce qu’il soupçonnait depuis si longtemps, et plus encore par le fait de savoir qu’il n’était pas seul dans ce sombre univers à ressentir de l’indignation devant la mentalité drow. Il n’était pas seul !

— Pourquoi ? demanda Drizzt en s’arrachant aux bras de Zak. Pourquoi êtes-vous resté ici ?

Le maître d’armes le regarda, l’air incrédule.

— Mais où pouvais-je aller ? Personne, pas même un maître d’armes, ne survivrait longtemps seul dans les cavernes d’Outreterre ! Il y a trop de monstres, trop d’autres peuples qui trouvent suave le goût du sang drow !

— Vous aviez sûrement le choix…

— Penserais-tu à la surface ? répondit Zak. Faire face tous les jours à cet enfer embrasé ? Non, mon Fils, toi et moi sommes coincés ici !

Drizzt avait craint d’entendre cette affirmation, avait craint que ce père qu’il venait de découvrir n’eût pas de solution à proposer au dilemme que constituait toute sa vie. Peut-être n’y avait-il aucune solution !

— Tu te débrouilleras très bien à Menzoberranzan, lui déclara Zak pour le réconforter. Tu es fort, et Matrone Malice saura trouver à employer tes talents, quels que soient par ailleurs les désirs de ton cœur.

— Pour qu’elle me fasse mener une vie dédiée au meurtre, comme à vous ? répliqua Drizzt en essayant en vain de dissimuler la colère qu’il ressentait.

— Quel choix crois-tu que nous ayons ? objecta le maître d’armes, les yeux rivés au sol de pierre, qui lui ne le jugeait pas.

— Je refuse de tuer des drows, énonça Drizzt comme une évidence.

Les yeux de Zak croisèrent soudain ceux de son fils.

— Il faudra bien, lui affirma-t-il. À Menzoberranzan, c’est tuer ou être tué ! (Drizzt détourna le regard, mais les paroles de Zak n’allaient pas se laisser oublier si facilement.) Il n’y a rien d’autre à faire, poursuivit le maître d’armes d’une voix douce. Tel est notre monde, telle est notre existence ! Tu y as échappé jusqu’ici, mais tôt ou tard ta chance t’abandonnera… (Il saisit fermement le menton de Drizzt et força son fils à le regarder en face.) Je voudrais tant qu’il en soit autrement ! s’écria-t-il avec la plus grande sincérité. Mais ce n’est pas une vie si misérable : tuer des elfes noirs ne me paraît pas tellement pénible. Pour moi, leur mort représente le terme de cette existence perverse dont je les délivre. Et s’ils aiment à ce point leur Reine Araignée, eh bien qu’ils aillent la voir de près ! (Un sourire était réapparu sur le visage de Zak, mais il s’effaça soudain.) Sauf pour les enfants, murmura-t-il. Souvent j’ai entendu leurs cris d’agonie, même si, je te le jure, je ne les ai jamais provoqués ! Je me suis toujours demandé si eux aussi étaient maléfiques, s’ils étaient nés ainsi, ou si c’est le poids de notre noir univers qui les fait ployer pour qu’ils empruntent nos voies ignobles !

— Celles de Lolth, la maudite ! approuva Drizzt.

Ils se turent quelques instants et sentirent leur cœur qui palpitait. Chacun prenait la mesure du dilemme auquel il devait faire face. Zak reprit le premier la parole, car il avait déjà souvent fait le tour du sien et en était venu à accepter la vie qui lui avait été imposée.

— Ah, Lolth ! gloussa-t-il. On ne pourrait rêver souveraine plus perverse. Je donnerais tout pour avoir une chance de frapper cet être hideux !

— Je vous crois presque capable de la vaincre, chuchota Drizzt avec un sourire.

Zak fit un bond.

— Mais oui, s’exclama-t-il dans un grand rire, et toi aussi !

Drizzt projeta son cimeterre dans les airs et le laissa tournoyer deux fois avant d’en saisir la garde.

— Bien sûr, s’écria-t-il, et cette fois nous serions ensemble !

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